L'amour de la patrie

 

C'est entendu, la France est le plus beau pays du monde, mais là n'est pas la raison pour laquelle  nous devons l'aimer, nous devons l'aimer parce que c'est notre patrie, chaque chrétien dans le monde, a une patrie et se doit d'aimer sa patrie, même les chrétiens d'Irak ou du nord de l'Inde.

 

Introduction.

"Aujourd’hui on rencontre parfois des concitoyens qui semblent pris de la crainte de se montrer particulièrement dévoués à la patrie. Comme si l’amour de sa terre pouvait signifier nécessairement un mépris envers les terres des autres ; comme si le désir naturel de voir sa propre patrie belle, prospère à l’intérieur, aimée et respectée à l’étranger, devait être inévitablement une cause d’aversion à l’égard d’autres peuples". (…) C’est notre devoir de rappeler à tous que la doctrine catholique exhorte précisément les Catholiques à nourrir un amour profond et sincère envers leur patrie”.

Pie XII

 

Définitions : Patrie, Nation, Etat.

Attachons-nous d'abord au sens étymologique.

·        Patrie, veut dire: terre des pères.

·        Nation, du latin «natus», exprime l'idée de naissance et donc de filiation, de descendance.

 

Avant tout donc, comme l'indique l'étymologie, la patrie c'est un sol, un territoire, un dessin sur une carte. Comme l'a dit Péguy, elle est cette quantité de terre où l'on peut parler une langue, où peuvent régner des mœurs, un esprit, une âme, un culte. Elle est cette portion de terre où une âme peut respirer et où un peuple peut ne pas mourir.

Mais parce qu'elle est terre des pères, on comprend qu'elle soit par essence une terre humaine.

Elle n'est pas, autrement dit, qu'un sol nu, un sol de forêt vierge. Elle est le sol sur lequel les pères ont marqué leur empreinte. Le sol qu'ils ont cultivé. Le sol sur lequel ils ont bâti les monuments, vestiges de leur passé.

La patrie est le sol des anciennes batailles. Elle est la terre des champs, des vergers. La poussière des villes, et des routes. Elle est la terre des ancêtres, la terre des cimetières.

La patrie est faite de plus de morts que de vivants. E. Renan.

 

Mais n'est-il pas insuffisant d'en rester là ? Et n'importe-t-il pas d'appeler « patrie» (sinon de grouper en elle) tout ce qui est de l'héritage, du patrimoine reçu de nos pères, et rassemblé par eux? Car si la patrie est la glèbe de nos champs, le sol de nos chemins, l'asphalte de nos rues, on reconnaît qu'elle est aussi le ciel qui sert de voûte à cette terre, l'air qu'on y respire, le climat dont elle jouit. Et le miroir de ses lacs, le chant de ses sources, les reflets changeants de ses mers... On comprend donc que par extension la patrie puisse être en réalité le patrimoine entier. L'ensemble du capital que nous ont laissé nos aïeux. Non plus seulement la terre, mais les églises, les cathédrales, les palais et les tours dont elle s'est vue couverte au cours des âges. Et toutes les merveilles de l'industrie ou des arts.

Tout l'héritage !

 

La nation

Si la patrie désigne surtout un « héritage », le patrimoine reçu des aïeux, l'idée de nation nous semble plus spécifiquement humaine. Entendre par là, qu'elle concerne moins l'héritage que l'héritier.

En d'autres termes: la patrie tenant. à ce que nous avons reçu du passé (capital rassemblé par nos pères au cours des siècles), le terme «nation» nous semble, lui, devoir désigner un second aspect très important et très différent du premier. Non plus l'aspect de l'héritage.. Mais l'aspect de la communauté vivante des héritiers. Ou, si l'on préfère... de la  communauté vivante des générations qui se transmettent, et gèrent l'héritage.

 

Par son étymologie même, par l'idée qu'il exprime de filiation, de naissance (nasci), le terme de nation présente quelque chose de plus dynamique. Un enchaînement de générations. Un flux de vivants.

(La nation est la succession des hommes de la patrie dans le passé, l'avenir, autant que dans l'instant. Elle n'est pas le simple total des vivants. La nation existait avant eux. Ils seront morts qu'elle continuera à leur survivre. La nation tient à ce qui fait l'union, sinon l'unité, d'un certain nombre de générations. Elle est une communauté de morts, de vivants et de fils à naître. Aussi enseigne-t-on parfois que l'esprit national réside, entre autres, dans la conscience d'un «nous ».

La nation est la communauté vivante à laquelle on se trouve lié par la naissance. Communauté qui, par une action multiforme, agit sur la genèse de l'individu: éducation, culture, mentalité.

Par elle-même elle n'est pas nécessairement structurée politiquement.

 

L'Etat

S'il est une réalité à ne pas lier nécessairement avec l'idée de patrie-nation, c'est bien celle-là:

Sous prétexte que les grandes nations sont ordinairement constituées en Etats, on tend à inclure dans les caractères essentiels, sinon indispensables, d'une patrie, d'une nation, ce caractère étatique de souveraineté, d'indépendance, d'autonomie politique. Pour courante qu'elle soit, c'est là une erreur dont la systématisation révolutionnaire, dite «principe des nationalités ", n'a pas cessé d'être désastreuse.

Quand nous disons: Etat, il est clair que nous entendons par là: Etat souverain, puissance politique autonome.

Mais encore?

L'Etat est la société organisée politiquement. La puissance publique jouissant de l'autonomie juridique.

L'élément juridique, politique, est, en effet, prépondérant, comme le fait nécessaire d'une souveraineté.

En ce sens, l'Etat et la nation ne s'identifient pas, comme tendrait à le laisser croire le langage courant.

Car il peut y avoir une vie nationale sans expression étatique.

(Exemples)

 

Textes pontificaux.

"Aujourd’hui on rencontre parfois des concitoyens qui semblent pris de la crainte de se montrer particulièrement dévoués à la patrie. Comme si l’amour de sa terre pouvait signifier nécessairement un mépris envers les terres des autres ; comme si le désir naturel de voir sa propre patrie belle, prospère à l’intérieur, aimée et respectée à l’étranger, devait être inévitablement une cause d’aversion à l’égard d’autres peuples. Il existe même des personnes qui évitent de prononcer le mot de "patrie" et qui tentent de lui substituer d’autres noms plus appropriés, pensent-ils, à nos temps. Certes, chers fils, il faut convenir que parmi les signes d’une désorientation des âmes, cet amour diminué pour la patrie, cette plus grande famille qui vous a été donnée par Dieu, n’est pas un des derniers".

Pie XII, 23 mars 1958.

 

"(...) la loi naturelle nous ordonne d’aimer d’un amour de prédilection et de dévouement le pays où nous sommes nés et où nous avons été élevés au point que le bon citoyen ne craint pas d’affronter la mort pour sa patrie (...). L’amour surnaturel de l’Eglise et l’amour naturel de la patrie procèdent du même et éternel principe. Tous les deux ont Dieu pour auteur et pour cause première".

Léon XIII, Sapientiae christianae, 10 janvier 1890.

 

"Si le catholicisme était ennemi de la patrie, il ne serait plus une religion divine. Oui, elle est digne non seulement d’amour, mais de prédilection, la patrie dont le nom sacré éveille les plus chers souvenirs et fait tressaillir toutes les fibres de votre âme, cette terre commune où vous avez votre berceau, à laquelle vous rattachent les liens du sang et cette autre communauté plus nobles des affections et des traditions".

Saint Pie X, allocution à des pèlerins français, 19 avril 1909.

 

"En devenant homme, le fils de Dieu lui-même a acquis non seulement une famille humaine, mais aussi une patrie. Il est pour toujours Jésus de Nazareth, le Nazaréen".

Jean-Paul II, Message pour la paix sur "le dialogue entre les cultures", 1er janvier 2001

 

"(...) la patrie est un patrimoine qui comprend non seulement une certaine réserve de biens matériels dans un territoire donné, mais est avant tout un trésor, l’unique en son genre, de valeurs et de contenus spirituels, c’est-à-dire de tout ce qui compose la culture d’une nation (...)".

Jean-Paul II, Audience aux membres de l’université Jagellone de Cracovie, 11 septembre 2000.

 

La patrie, notre famille

"Le développement du concept de "patrie" est étroitement lié à celui du concept de "famille" et, en un sens, chacun en fonction de la nature de l’autre. Et vous, peu à peu, en faisant l’expérience de ces liens sociaux plus larges que les liens familiaux, vous commencez aussi à participer à la responsabilité du bien commun de cette famille plus vaste qu’est la "patrie" terrestre de chacun et de chacune d’entre vous. Les grandes figures de l’histoire, passée ou contemporaine, d’une nation sont aussi les guides de votre jeunesse et elles favorisent le développement de cet amour social qu’on appelle le plus souvent "amour de la patrie"".

Jean-Paul II, Lettre apostolique à l’occasion de l’année internationale de la jeunesse, 31 mai 1985.

 

L’influence de la patrie sur l’homme

"La plupart du temps, les cultures se développent sur des territoires déterminés, dont les éléments géographiques, historiques et ethniques s’entrecroisent de façon originale et unique. Cette "spécificité" de chaque culture se reflète de manière plus ou moins intense chez les personnes qui la possèdent, selon un dynamisme continuel d’influences exercées sur les individus et de contributions que ces derniers, à la mesure de leurs capacités et leur génie, apportent à leur culture. En tout cas, être homme signifie nécessairement exister dans une culture déterminée. Chaque personne est marquée par la culture qu’elle reçoit de sa famille et des groupes humains avec lesquels elle est en relation, à travers son parcours éducatif et les influences les plus diverses de son milieu, à travers la relation fondamentale qu’elle entretient avec le territoire dans lequel elle vit. Dans tout cela, il n’y a aucun déterminisme mais une constante dialectique entre la force des conditionnements et le dynamisme de la liberté."

"C’est en fonction de ce rapport fondamental avec ses propres origines -au niveau familial, mais aussi territorial, social et culturel- que se développe chez les personnes le sens de la patrie, et la culture tend à assumer, plus ou moins selon le lieu, une configuration nationale."

Jean-Paul II, Message pour la paix sur "le dialogue entre les cultures", 1er janvier 2001.

 

Education du patriotisme.

 

Ce « territoire », ce capital matériel, cet héritage spirituel, intellectuel et moral que nous ont laissés

nos aïeux, et qui est la patrie, nous les recevons « en vrac ». Loin de former un ensemble homogène tout n'y a pas le même prix. Les éléments contradictoires y sont nombreux. Les valeurs négatives voisinent avec les positives. (le chêne de saint Louis et la guillotine de Robespierre, Jeanne d'Arc et le général Turreau) Selon toute évidence, il faut faire un tri, choisir. Car, à s'en tenir aux considérations les plus élémentaires, il est une expérience du genre humain dont les leçons s'imposent à tout esprit qui ne se veut pas aveugle. L'histoire dit assez qu'il existe des institutions, disciplines, maximes, méthodes éprouvées, génératrices de conquêtes solides, de résultats heureux et qu'il en est d'autres qui n'ont jamais prévalu sans entraîner dissolution, subversion, confusion, instabilité, ruine. On conçoit, dès lors, qu'il faille repousser ces valeurs négatives, qui signifient décomposition, défaite ou mort.

 

Regardez vers le passé, c’est-à-dire vers les morts. C’est toute l’importance de l’Histoire. Nombreux sont ceux, dans nos collèges, qui considèrent l'Histoire comme une matière ennuyeuse qui ne consiste en rien d’autre que d’apprendre des chiffres, des batailles, des noms, des dates. Pourquoi ?

Parce qu’on ne sait pas découvrir ce qu’il y a derrière ces dates, derrière ces batailles, ces aventures, ces conquêtes. On fait de l’Histoire une chose morte, quand l’Histoire est pour une nation, une réalité vivante. Le prêtre, lorsqu’il dirige spirituellement une personne, quelle est la première question qu’il pose ? "Voyons, racontez-moi votre histoire, car pour comprendre le présent je dois connaître votre passé".

C’est la même chose pour l’histoire du monde et pour l’histoire des nations.

Si nous ne connaissons pas l’histoire de notre patrie, si nous ne sommes pas capables de remonter dans le passé de notre patrie afin de découvrir ce qu’ont fait ceux qui sont morts pour nous donner une patrie, nous sommes incapables de comprendre le temps présent.

Lorsque les exemples qui sont donnés dans les écoles et par l'élite dirigeante sont des trahisons de la mémoire nationale,( les déserteurs et insoumis de 1914 ou de 1939) il est évident que le pays en question ne pourra pas aller bien, que sa jeunesse grandira mal. En lui présentant comme modèles de vie, des idoles, des faux modèles, il est évident que l’on veut semer dans le cœur de cette jeunesse un esprit de trahison, un esprit apatride. Là réside toute l’importance de la Vérité en Histoire.

Ce n’est pas une question d’érudits. Pourquoi les discussions au sujet de notre passé historique deviennent-elles si vives et si passionnées ? Ce n’est pas parce que l’histoire est seulement un problème entre érudits, c'est parce que le poids des personnages historiques est décisif, tant dans le présent que dans le passé.

Les morts déterminent ou conditionnent les vivants. C’est pourquoi il ne faut pas les oublier .

 

Ecueils à éviter : universalisme et nationalisme. (Nationalisme = construction d'un système à partir de la seule idée de nation, déification de la nation)

 

Conclusion

L’héroïsme au service de la patrie, n’est pas uniquement constitué de ces faits d'armes exceptionnels qui peuvent aller jusqu'au sacrifice de la vie, même si nous devons être prêts à les assumer à un moment quelconque de l’histoire, si Dieu nous le demande.

L’héroïsme au service de la patrie, est d'abord celui du travail silencieux de chaque jour, l’héroïsme quotidien de l’effort nécessaire pour s’occuper de sa famille, l’héroïsme du travail, du témoignage personnel, l’héroïsme de l’engagement pour la vérité, l’héroïsme de celui qui édifie la patrie peu à peu dans sa propre vie comme dans celle des autres, en influant sur ce qui l’entoure : à l’école, au travail, au bureau, à l’usine, à la campagne et à la ville, en étant un témoin du Christ, en témoignant pour la vérité, en sachant marcher à contre-courant, contre la mode, en sachant dire "non" quand tout le troupeau dit "oui" et se laisse entraîner et porter par l’erreur, le mensonge, la propagande.

C’est cet héroïsme quotidien que Dieu nous demande, pour que se réalise la construction de la patrie.  Père Alberto EZCURRA

 

Sources :

·        Patrie, Nation, Etat (Jean Ousset)

·        http://www.ichtus.fr/article.php3?id_article=186&var_recherche=amour+de+la+patrie

 (Père Alberto EZCURRA)

 

 

Additif de mars 2011

Dans une lettre pastorale « Sur les rapports entre les religions au sein d’un état de droit« , Mgr Ravel, évêque aux Armées, cite les papes Pie XII, Saint Pie X et Léon XIII pour appuyer l’importance de l’amour de la patrie :

une certitude habite le coeur du chrétien : parmi les hommes rapprochés par les circonstances de la vie, ceux qui forment avec lui sa nation -pour nous la France-, ceux-là occupent dans son coeur une place privilégiée [...]

l’affirmation que «la loi naturelle nous ordonne d’aimer de prédilection et de dévouement le pays où nous sommes nés et où nous avons été élevés. » [Léon XIII, Sapientiae christianae] L’insistance porte ici sur le mot « prédilection » : « oui, elle est digne, non seulement d’amour, mais de prédilection, la patrie, … cette terre commune où vous avez votre berceau. »[Saint Pie X] Plus que tout autre, le fidèle catholique a pour mission de chercher, de connaître puis de construire un tissu de relations vivantes et vitales avec tous ses concitoyens pris dans leur diversité même : « Il existe un ordre établi par Dieu selon lequel il faut porter un amour plus intense et faire du bien de préférence à ceux à qui l’on est uni par des liens spéciaux. Le Divin maître Lui-même donna l’exemple de cette préférence envers sa terre et sa patrie en pleurant sur l’imminente destruction de la Cité sainte. » [Pie XII, Summi pontificatus]

Or, une nation n’est pas une idée, et pas plus un ensemble de valeurs ; mais elle se dresse dans sa beauté et sa grandeur à travers la droiture de personnes imprégnées d’une culture, d’un pays et d’une histoire. Une nation existe d’abord d’une communauté de personnes tissée par une culture commune. En quoi notre attachement à notre patrie passe d’abord et surtout par la fraternité établie entre nous, fils et filles d’une même nation. Seule une fraternité éclose en solidarité, et une solidarité comprise comme une communauté de destin, donne une âme vivante et forme un corps concret à la réalité qu’est la France.