Les devoirs de l'Etat

 

 

 

 

            I.Définition de l'Etat

 

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Le plus froid des monstres froids.(Nieztche)

La violence organisée (Lénine)

L'incarnation de l'idée (Hegel)

Pour l'homme de la rue, c'est : la Police,  l'Administration, le fisc, et même souvent c'est "ils".

Pour un "homme politique moderne", c'est "La République".

Etc..

Etat libéral, Etat marxiste : donner une qualification à l'Etat, c'est lui donner une coloration idéologique et donc une finalité différente de celle de L'Etat tout court.

Etat libéral: libérer le peuple des contraintes de l'histoire, de la nature, de la religion. L'histoire de l'Etat libéral commence par toute une série d'interdictions et de guerres intérieures ou extérieures. Si l'Etat libéral n'est pas interventionniste en matière économique, il l'est dans tous les autres domaines.

 

Définition : le mot Etat évoque ce qui dure, ce qui demeure, ce qui est stable (stat). Et encore: la majesté, un certain caractère sacré, l'unité, la continuité, la justice, la force etc.

 

« L'Etat est l'unité politique et juridique, durable, constituée par une agglomération humaine formant sur un territoire commun un groupe indépendant et soumis à une autorité suprême. »

L'Etat... est la société organisée politiquement. La puissance publique jouissant de l'autonomie juridique.

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L'élément juridique, politique, est, en effet, prépondérant, comme le fait nécessaire d'une souveraineté.

En ce sens, l'Etat et la nation ne s'identifient pas, comme tendrait à le laisser croire le langage courant.

Car il peut y avoir une vie nationale sans expression étatique.

 

Et les Français, en particulier, peuvent être portés à transposer au plan des définitions universelles le cas de leur pays, avec son Etat national unitaire. Chez eux, en effet, la conscience d'une communauté de destin historique a fait coïncider, très tôt, les limites de la nation et les frontières de la souveraineté étatique. L'Etat a été hautement national. Voire! Il a unifié et littéralement créé la nation. (Jean OUSSET   Patrie, Nation, Etat)

 

 

 

Conclusion provisoire sur l'Etat : bien distinguer ce que devrait être un Etat et ce qu'il est devenu dans la plupart des pays - en particulier en France - un état idéologique plus préoccupé de la propagation de son idéologie dominante que de l'harmonie et de la sécurité de la Nation


 

         II.La conception chrétienne de l'Etat

 

Il n'y pas de modèle unique de l'Etat chrétien, mais il y a une conception chrétienne et traditionnelle de ce qu'un Etat doit faire, peut faire et ne doit pas faire.

 

21 – distinction du spirituel et du temporel

L'Etat existe: c'est une réalité politique indiscutable, que l'Eglise prend en compte en se référant à la phrase sacrée de l' Evangile: "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu".

Cette parole de Notre-Seigneur est la réponse à une question que lui posent les juifs pour le perdre: "Faut-il payer l'impôt?" Si Jésus répond "Oui", il sera taxé de collaborateur de l'occupant romain, et il perdra sa réputation auprès des foules. S'il répond "non", les princes des prêtres iront le dénoncer comme agitateur auprès de Pilate - ce que d'ailleurs ils feront plus tard! - Mais Notre Seigneur se fait apporter une pièce de monnaie et demande à ses contradicteurs de qui est l'effigie. Ils répondent: "de

César" et alors seulement Jésus leur dit: "Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu". Le Christ, dans cette scène, fait le lien entre la monnaie, c'est-à-dire l'impôt, justifié s'il est la contre-partie de ce que César, ou l'Etat, apporte: l'ordre, les services généraux, la justice, l'armée et la sécurité, y compris celle des transactions symbolisée par une monnaie fiable.

La première partie de la formule du Christ est suivie par "Et rendez à Dieu ce qui est à Dieu" : cela ne signifie pas que César est indépendant, hors de Dieu, mais que César n'a pas de pouvoir dans le domaine surnaturel.

Voilà définie la distinction du naturel et du surnaturel, du temporel et du spirituel, qui est le fondement de l'ordre catholique et la grande révolution apportée par la "Bonne Nouvelle". Tout, auparavant, était confondu: les rois d'Israël avaient à la fois une puissance militaire et religieuse, et les rois ou les Césars de Rome étaient à la fois empereurs et pontifes. Après leur mort, ils étaient même divinisés.

L'Evangile, en limitant la mission de l'Etat et en lui enlevant l'aspect religieux, proclame de ce fait la liberté religieuse. Contrairement, à ce qui se dit trop souvent, la liberté religieuse n'est pas la liberté de croire n'importe quoi, mais la liberté de la religion vis-à-vis de l'Etat: la religion est indépendante de l'Etat, au-dessus de lui.

Dans la conception chrétienne, le rôle de l'Etat est beaucoup plus réduit que ce à quoi nous sommes habitués aujourd'hui, c'est-à-dire un monstre étatique! La scène évangélique du "Rendez à César ce qui est à César" exprime bien ce rôle ramené à l'essentiel, avec ce symbole de la monnaie. Certes, la monnaie n'est pas rien, mais elle n'est pas le tout de l'ordre humain et surtout pas de l'ordre religieux.

Dans l'Evangi1e, nous voyons l'Etat incarné par Pilate, les soldats, les juges, l'administration. C'est cette réalité naturelle et non créée par elle que l'Eglise constate.

C'est pourquoi, dès les "Actes des Apôtres", St Pierre et St Paul enseignent comme principe de morale absolue de la religion chrétienne, la soumission au Prince. Le respect de cette autorité est un devoir du chrétien fondé sur la phrase: "rendez à César..."  (JTV, video -cassette n° 170)

 

Rome, sans y être obligée, a toujours respecté l'autorité des Etats même lorsque il y avait désaccord : exemple de Jean-Paul II recevant Jaruselski. Les conflits passés entre la papauté et des Etats trouvent leur source dans la prétention de certains monarques de restreindre la liberté du pouvoir spirituel et non le contraire.


 

22 – principe de subsidiarité.

"Je crois qu'il existe une règle toute simple pour délimiter les fonctions de l'Etat, très simple parce qu'elle est empirique et ne vise pas à la haute théorie. Les fonctions de l'Etat sont celles qui ne peuvent être remplies que par lui, parce qu'il manque aux particuliers ou aux associations , ou la volonté ou le pouvoir de les remplir. Voilà, je crois, une délimitation claire et simple des fonctions de l'Etat" (Jules Ferry, Chambre des députés 12 juin 1875)

Ce principe a été énoncé en tant que tel dans Quadragesimo Anno en 1931, mais il n'est pas une invention de Pie XI !

 

23 – soumission du temporel au spirituel

 

Une saine démocratie fondée sur les principes immuables de la loi naturelle et des vérités révélées sera résolument contraire à cette corruption qui attribue à la législation de l'Etat un pouvoir sans frein ni limites, et qui, malgré de vaines apparences contraires, fait aussi du régime démocratique un pur et simple système d'absolutisme.

L'absolutisme d'Etat (qui ne saurait se confondre, comme tel, avec la monarchie absolue, dont il n'est pas question ici) consiste en effet dans le principe erroné que l'autorité de l'Etat est illimitée, et qu'en face d'elle - même quand elle donne libre cours à ses vues despotiques, en dépassant les frontières du bien et du mal - on n'admet aucun appel à une loi supérieure qui oblige moralement.

Un homme pénétré d'idées justes au sujet de l'Etat, de l'autorité et du pouvoir dont il est revêtu en tant que gardien de l'ordre social, ne pensera jamais à léser la majesté de la loi positive dans les limites de sa compétence naturelle. Mais cette majesté du droit positif humain n'est sans appel que s'il se conforme - ou du moins ne s'oppose pas - à l'ordre absolu établi par le Créateur et mis en une nouvelle lumière par la révélation de l'Evangile. Elle ne peut subsister qu'autant qu'elle respecte le fondement sur lequel s'appuient également la personne humaine, l'Etat et le pouvoir public. C'est là le critère fondamental de toute forme saine de gouvernement, y ,compris la démocratie, critère qui doit servir à juger la valeur morale de toute loi particulière.  (Pie XII Radio-message de Noël 1944).

 

Conclusion

L' Etat ne doit pas intervenir dans le domaine spirituel sans nier son existence (cf. "Il n'y a rien au dessus des lois de la République"), et dans le domaine temporel il ne doit s'occuper que de ce que les échelons inférieurs ne peuvent prendre en compte. Ceci peut se résumer en une formule: La mission de l' Etat est de préserver la sécurité extérieure et l'harmonie intérieure.

 

 

 

     III.Missions de l' Etat.

 

31 - Sécurité extérieure : Armée et diplomatie.

Le besoin d'Armée est universel, voir l'exemple du "peuple élu" dans l'Ancien Testament ou aujourd'hui celui d'un Etat neutre comme la Suisse.

L' Etat a le devoir d'entretenir en permanence une Armée prête aux conflits.

"On n'a pas d'armée au rabais... une armée ne s'improvise pas.. elle s'organise au prix d'efforts quotidiens d'activité, d'endurance, de discipline, d'industrie et de science. Les armées improvisées au moment du péril peuvent trouver rapidement de bons soldats et de bons cadres subalternes parce qu'à cet échelon la bravoure et l'esprit de sacrifice suppléent au défaut de préparation militaire mais ces armées demeurent longtemps sans force véritable parce qu'il leur est impossible de former en quelques semaines des chefs et des états-majors" (Joffre).

Mais, aussi, on ne défend bien que ce que l'on sait devoir être défendu : l'Etat a le devoir de clarifier la mission de l'armée qui est au service de la nation et non pas d'un éphémère pouvoir politique.

 

Le phénomène de la guerre moderne ne modifie pas le phénomène militaire mais il l'amplifie considérablement. La caractéristique de la guerre moderne est d'être totale et permanente. On ne peut plus tellement parler de temps de paix et de temps de guerre. C'est la guerre permanente soit sur le plan purement militaire soit sur le plan politique (et diplomatique) qui est la continuation de la guerre par d'autres moyens. Il va alors de soi que les liens de l'armée avec la nation, les répercussions du fait militaire sur la nation sont considérables. Elle se fait autour de l'Etat, par l'Etat... ou contre la nation par la guerre psychologique ou idéologique. C'est pour cela que tout anti-militarisme est une attitude contre la nation toute entière et non seulement contre l'armée en tant que telle. L'U.R.S.S. ne faisait pas la guerre seulement par ses tanks ou ses missiles mais par ses agents, ses idées, les moeurs qu'elle suscitait etc... Contre tout cela, le fait militaire est un rempart indispensable

"Si vis pacem, para bellum"..

 

32 – L'harmonie intérieure : police et justice.

Police.

Il n'y a pas de sécurité sans le sens d'un ordre. Or, cet ordre ne s'obtient pas uniquement par la force armée mais par tous ceux qui tendent à policer la société et que l'on pourrait appeler des "policiers naturels". Dans la famille, les parents sont les policiers naturels par leur autorité. On retrouve  la même chose à l'intérieur de certains métiers, ordres, communautés etc.. Ce ne sont donc pas les policiers en uniforme mais tous ceux qui tendent à faire régner l'ordre à l'intérieur de la société.

Pour arriver à comprendre la notion de police, il faut donc commencer par admettre cette liaison de la sécurité avec l'ordre. C'est capital aujourd'hui où bon nombre de nos concitoyens sont "pour la sécurité" mais ont peur de la notion même d'ordre.

Le désordre est donc toujours source d'insécurité et il n'y a d'ordre véritable que quand il y a force. La force est l'ordre vivant et réalisé, c'est l'ordre en acte. La violence résulte d'un désordre, d'une faiblesse.

On s'aperçoit qu'il y a deux sortes de violence, ce qui va nous amener à. la police dans son sens actuel. Il y a la violence source de désordre et la violence retour à l'ordre. La première forme de violence est celle de l'enfant qui envoie le plat à la tête de son frère; cette violence cause le désordre, elle est inutile, néfaste et crée un climat de haine et de division. Il y a alors la seconde violence, la violence nécessaire, bien qu'elle soit elle-même causée par un mal qui est la violence du retour à l'ordre, la paire de claques que reçoit le coupable, le bras qui arrête ou qui punit. Ce sont des choses extrêmement simples mais que l'on oublie aujourd'hui où l'on peut lire ou entendre partout des mots du type: "nous condamnons les violences d'où qu'elles viennent". C'est stupide! Il y a des violences saines et des violences malsaines. Des violences sont absolument nécessaires au rétablissement de l'ordre. La méditation sur la vie politique et sur l'histoire prouve qu'il est très difficile, quand le désordre a été créé, de revenir à l'ordre sans violence. Il est évident, cependant, qu'il faut limiter la violence dans la mesure du possible.

 

Justice

Distinguer justice civile et justice pénale.

Le peuple a besoin d'une justice civile qui soit relativement rapide, compétente, remplie par des hommes libres selon la fameuse formule: "être jugés par ses pairs, par ses égaux, par des gens qui connaissent la situation personnelle". Cette justice doit évidemment être impartiale. Que le juge ne penche ni pour une partie ni pour une autre est la raison d'être de son indépendance. Cela veut dire qu'il doit être, surtout en matière civile, indépendant de toute partie et donc des pressions qu'on peut exercer sur lui. Il y a les pressions politiques mais aussi les pressions idéologiques. C'est pour cela que la question des syndicats dans l'oeuvre de justice est un problème très grave. L'idéologie finit par pénétrer l'esprit du juge à tel point qu'il n'est plus indépendant pour juger. Cette indépendance suppose au préalable une formation du magistrat.

 

La justice pénale, c'est la répression des infractions. Il ne faut pas avoir peur d'employer ce mot de "répression". Une justice qui sur le plan pénal n'est pas répressive n'est pas une justice. Le magistrat de l'ordre pénal, le juge correctionnel ou le juge d'assises ne sont pas faits pour comprendre et aider le pauvre délinquant mais pour réprimer l'infraction.

Le rôle de l'avocat est de plaider la miséricorde et d'atteindre le coeur du juge pour essayer d'atténuer la sanction... mais on ne comprendrait pas qu'un juge soit tellement touché par la plaidoirie qu'il relâcherait tout de suite le voleur! Soyons fermes: rendre à chacun ce qui lui est dû, c'est rendre au coupable dont on a prouvé la culpabilité le châtiment qu'il mérite.

Cette justice, c'est important, doit être aussi suffisamment rapide. Elle doit être efficace, il ne doit pas y avoir par la suite d'obstacles à ce qu'elle soit rendue. Elle doit apporter la sécurité, car elle est faite pour cela. Elle doit présenter un caractère d'exemplarité. Il y a dans la répression toutes ces caractéristiques. On disait autrefois "la bonne et raide justice".

 

Remarque : contrairement à l'Armée et à la diplomatie, la police et la justice admettent plusieurs niveaux, dont certains ne dépendent pas directement de l'Etat.

 

 

33 - Ce que l'Etat doit nous rendre : le droit de nous organiser pour ce qui ne le concerne pas.

 

Les domaines dans lesquels l'Etat "libéral" intervient de façon indue ou exagérée sont nombreux :

·         éducation    

·         santé           

·         retraites

·         Télécom

·         solidarité (charité ?)                       

·         transports

·         La Poste

·         etc…

 

     IV.Ce que l'Etat peut nous demander.

 

Pas plus qu'on ne parle de droit sans citer les devoirs, il ne serait logique de parler de devoirs sans citer quelques droits.

Pour l'Etat, ils sont essentiellement au nombre de deux : l'impôt et le service militaire.

 

C'est Maurras qui disait que le service obligatoire est un mal nécessaire parce que la guerre moderne est une guerre totale. C'est un mal nécessaire de la même manière que la course aux armements est un mal nécessaire. Et l'on ne dira jamais assez que c'est une conséquence de 1792 ! Pendant 10 ou 15 siècles, l'effort de l'Eglise a été de moraliser la guerre en la réservant à quelques-uns par la chevalerie, la trêve de Dieu, toutes les règles obligeant à la limiter. Mais puisqu'il faut que le peuple passe désormais par les armes, il est indispensable que le service militaire apporte à l'appelé un certain nombre de choses: une bonne formation, un bon encadrement, un école de formation civique.

 

L'impôt, mais un impôt juste et mesuré, ce qui sera plus facile si l'Etat se cantonne à ses missions régaliennes. L'impôt est destiné à financer l'Etat, il ne doit pas être un instrument de redistribution des revenus.

 

         V.Conclusion

Le rôle de l'Etat :  préserver la sécurité extérieure et l'harmonie intérieure

 

Nota : La plupart des textes de cette étude sont tirés des polycopiés n° 21, 54, 55, 56, 57, 59, 62, 170, 186. de conférences données rue Des Renaudes par  J. Trémolet de Villers