DEBOUT LES PÈRES

 

 

Philippe OSWALD

 

Un guide à l’usage des pères :

 

Plus le temps passe, plus nos sept enfants grandissent, et plus je découvre mes lacunes, mes tâtonnements, mes gaffes, mes négligences et mes erreurs de père et d’éducateur. S’il m’arrivait dans les pages qui suivent de donner quelques bons conseils, il faudrait les prendre pour ce qu’ils sont : des exhortations que je m’adresse à moi-même pour devenir enfin un père « à la hauteur ».

Ce guide, s’il mérite ce nom, c’est à mon propre usage que je le destine. Mais je m’encourage à l’écrire en me disant qu’il tombera peut-être un jour entre les mains d’un père aussi nécessiteux que son auteur.

 

Cet ouvrage date de 1997 et dès le début il constate une situation de faillite de la famille qui n’a cessé depuis lors  de s’aggraver avec notamment l’absence du Père.

Le féminisme qui a encouragé chez l’homme un vieux penchant pour le désengagement, le vagabondage et l’irresponsabilité avec leurs conséquences : la multiplication des divorces, la croissance des familles « monoparentales, c’est à dire réduites dans la plupart des cas à la mère et à son enfant, et des familles « recomposées » ou « multicomposées » (par remariages ou succession de concubinages) qui contraignent les enfants à collectionner les beaux-pères et les belles-mères, ce qui est le plus sûr moyen d’achever de ruiner toute relation de filiation et, bien sûr, toute autorité parentale.

La crise d’identité masculine n’est pas une invention des sociologues et psychologues des années 90 puisqu’il y a plus d’un siècle que la femme tend à prendre une place prépondérante au sein de la famille.

C’est au XXème siècle que cette carence paternelle s’est aggravée avec l’industrialisation, le libéralisme économique triomphant, l’exode rural, l’urbanisation, l’alcoolisme, les deux guerres mondiales qui ont saigné l’Europe (1.350.000 Français tombés au champ d’honneur entre 1914 et 1918 dont 40% d’hommes mariés, sans oublier les millions de soldats séparés de leur famille pendant des années).

Enfin, la révolution morale issue de mai 1968 a promu le « nouveau père ». Non plus père de famille, mais géniteur et beaucoup moins protecteur et modèle que nounou périodique puis copain. Ce nouveau père ni n’enseigne ni ne réprimande, il accompagne, il est complice et ne donne pas les normes. Il sait changer bébé et n’hésite pas à lui donner le biberon ou le bain. Il le câline comme le ferait la mère dont il usurpe en quelque sorte le rôle, l’empêchant d’exercer pleinement sa maternité.

Certains psychiatres voient dans la montée de l’homosexualité le contrecoup de la généralisation du maternage dans toute la société.

L’absence réelle ou psychologique du père dans la famille n’est pas compensée par des modèles de substitution à l’école en raison de la féminisation du corps enseignant. La suppression du service militaire n’arrangera pas les choses.

 

 

 

 

 

Récit de la vie du couple marié à partir du mariage jusqu’au départ du foyer des enfants et en s’adressant bien naturellement au Père de famille.

Les situations sont souvent cocasses, parfois savoureuses et sont toutes la description d’un vécu de l’auteur ou de ses proches.

Les titres des chapitres sont éloquents :

« Lorsque l’enfant s’annonce »

« Lorsque l’enfant paraît »

On conduit votre épouse à la salle de travail. Elle vous veut à ses côtés. C’est le moment de feindre la décontraction et d’y  aller, bref d’être courageux. Mais n’allez pas pour autant présumer de vos forces et tomber dans les pommes a pied du lit de souffrance de votre épouse ! Je connais des malabars qui s’interposeraient sans sciller entre Serbes, Croates et Bosniaques, et que la première effluve d’éther couche raides infailliblement.

 

L’auteur évoque les grandes épreuves précoces avec la perte d’un enfant à la naissance ou dans les premières semaines, la naissance d’enfants handicapés physiques ou mentaux

Ces pages sont écrites avec la plus grande délicatesse et peuvent nous aider à comprendre, à accepter ou à compatir.

Dans les épreuves, la possible stérilité du couple n’est pas ignorée. Suit un beau développement sur l’adoption et la fécondité spirituelle.

On s’interroge sur le choix des prénoms, sur le choix des parrains et marraines

 

Philippe OSWALD s’attarde sur la question de la tendresse du Père à l’égard de ses enfants.

L’auteur encourage les pères à manifester leur amour par une caresse, un baiser, un sourire qui peuvent fort bien rester « virils ».

Les crises de l’adolescence, voire les ruptures de l’âge adulte, n’effaceront jamais totalement les souvenirs des jours heureux de l’enfance. : un baiser réellement affectueux, une conversation valorisante, ni anodine ni sermoneuse, une promenade en famille, un voyage riche en découvertes, des fêtes et des jeux auxquels ont pris part les parents…

Aimer quelqu’un, c’est l’aimer tel qu’il est, avec son mystère. Chaque personne a son mystère, même nos enfants dont nous croyons souvent, sans même y réfléchir, tout savoir depuis leur naissance : « Je te connais comme si je t’avais fait »…Il n’en est rien, bien entendu : nous ne nous connaissons pas nous même, comment pourrions-nous prétendre connaître celui ou celle que nous n’avons fait qu’engendrer ?

Nous ne pouvons pas aimer notre enfant sans accepter d’être dépassé par le mystère de sa personne, avec son caractère, ses dons, ses limites, ses blessures, sa lumière et ses ténèbres. Il ne s’agit pas, bien sûr, de se résigner aux ténèbres pour en devenir complice ; mais nous ne pourrons pas l’aider à marcher vers la lumière si nous ne reconnaissons en lui la merveille de son être, sa bonté essentielle, ontologique.

L’auteur poursuit cette partie du livre sur de justes réflexions sur la nécessité d’une bonne entente entre les parents qui crée un climat de sécurité indispensable au développement harmonieux de l’enfant. Il rappelle la maxime d’or qui devrait être celle de tout éducateur « N’exige pas de l’enfant ce que tu ne t’imposes pas à toi-même »

Un père qui exhorterait son fils à ne pas regarder la télévision en restant lui-même vissé devant le poste, à ne pas fumer en fumant lui-même comme un sapeur ou à faire du sport alors qu’il ne quitte jamais ses pantoufles, prêcherait dans le désert.

S’agissant d’éducation, la seule vérité qui tienne est celle qui s’incarne dans l’exemple, précédant la parole et la rendant même bien souvent superflue.

 

L problème de la communication en rappelant sa règle d’or qu’est l’écoute.

Il nous dévoile son grand secret qui est l’amour inconditionnel qui veut que nous aimions l’enfant, même quand, par moments, nous détestons sa conduite.

Ce qui est en cause, c’est la qualité de notre amour : aimons-nous notre épouse, nos enfants pour eux-mêmes, ou pour la satisfaction que nous en tirons ? Les aimons-nous parce qu’ils nous aiment et nous font plaisir, ou parce qu’ils sont ce qu’ils sont, au-delà de leurs qualités et de leurs défauts ?

C’est une question qu’il faut se poser régulièrement et notamment en cas de conflit latent. Sommes-nous réellement à son service en tant que premier éducateur ?

Si vous son père, ne savez pas répondre à cette question fondamentale, lui, l’enfant y répond toujours par son comportement. C’est ce qui rend si douloureuses certaines crises d’adolescents : les parents se culpabilisent parce qu’ils sentent confusément qu’ils ont raté quelque chose quelques années auparavant. Et ce quelque chose, c’est l’amour inconditionnel qui permet de surmonter énervements et déceptions en recherchant toujours, non pas notre satisfaction, mais le vrai bien de notre enfant.

Mais « le passé est fait pour être dépassé » disait Marthe Robin : l’amour inconditionnel reste possible maintenant (il est d’autant plus nécessaire que tout semble aller si mal !).

L’autorité paternelle avec l’étude de son fondement et de son exercice.

Ensuite, l’auteur nous encourage à la patience, du latin patior : souffrir, supporter, endurer, constatant que c’est une vertu souvent plus féminine que masculine.

Philippe OSWALD nous persuade qu’il convient de prendre le temps de perdre du temps pour nos enfants et nous convainc que dix encouragements pour une réprimande rendent celle-ci beaucoup plus efficace que le « t’as encore eu zéro ! » exaspéré et assorti de noms d’oiseaux,

Dans cette partie, beaucoup de conseils judicieux sur les activités du Père avec ses enfants dans les loisirs, le bricolage, le dimanche, pour les fêtes et anniversaires et enfin les vacances.

« Face aux blessures » de quelques pages seulement , ne m’a pas intéressé. Je n’en parlerai pas. Il s’agit des cas de divorce.

L’ouvrage se termine avec la partie « Vous et vos Grands » qui est consacré aux rapports du père avec ses adolescents et leurs préoccupations.

Les conseils donnés peuvent aider des pères désarçonnés par la conduite de leur progéniture.

La Lettre aux pères du Père Henri Caffarel, fondateur des Equipes Notre Dame et directeur des Cahiers sur l’oraison, décédé en 1996 dont Philippe OSWALD cite l’extrait qui suit et qui sera la conclusion de cet exposé :

« Savez-vous ce qui manque le plus à vos enfants ? Le pain, le toit, les vêtements, l’éducation ? Non, vous ne ménagez pas votre temps ni vos forces pour leur procurer ces biens nécessaires.

« Serait-ce votre amour pour eux, serait-ce l’entente et l’union de leurs parents, la joie au foyer ? Peut-être. Combien d’enfants, en effet, ne trouvent pas à la maison ces richesses, celles dont les cœurs et les personnalités ont d’abord besoin pour s’épanouir.

« Mais ce qui leur est aussi nécessaire et qui leur manque souvent, c’est que vous priez pour eux, vous leurs pères.

 

« Oui, je crois pouvoir affirmer que dans la plupart des foyers chrétiens il manque aux enfants la prière de leur père – et j’entends par prière autre chose que ces formules hâtivement récitées le soir avant de se coucher, mais bien un tête à tête prolongé avec le Seigneur, une intercession ardente. Je sais vos objections : « Pas le temps » me disent les uns. Comme si vous ne preniez pas le temps de soigner vos enfants, de vous lever la nuit quand leur santé est en jeu, et de faire tant de choses qui ont un bien moindre degré d’urgence. D’autres me lancent une objection théologique : »Dieu sait ce dont il ont besoin, je n’ai pas le lui apprendre. » Qu’ils m’expliquent alors pourquoi Moïse, Job, le Christ, priaient pour ceux dont ils avaient la charge.

« Vous avez pris la responsabilité de les lancer dans la terrible aventure de la vie, dont l’enjeu est leur destin éternel. Avez-vous conscience de cette responsabilité ?

« Je voudrais que vous soyez plus préoccupés de l’avenir spirituel de vos enfants. Et que vous sentiez votre impuissance. Peut-être qu’alors, regardant la vie du Christ, vous comprendriez ce que c’est d’avoir charges d’âmes et que, travailler au salut des siens, c’est d’abord prier pour eux. Je parle de la prière vraie qui est violente, hardie, importune, acharnée. Oui prier c’est lutter.

« Je connais des pères qui chaque jour consacrent un long moment à la prière, et la pensée de leurs enfants n’est pas le moindre stimulant.

« Priez très spécialement pour votre enfant blessé. Sollicitez de Dieu la grâce de l’aimer tel qu’il est : vous constatez ses limites, mais ne manquez jamais de découvrir ses richesses propres afin de savoir le conforter et l’encourager. Et Dieu Père vous façonnera un cœur de père pour tous vos enfants et très spécialement pour celui qui en a  plus besoin que les autres.

« Dans toute la mesure du possible, priez avec votre femme. Vos prières conjuguées seront puissantes, comme le Christ l’a promis : « Si deux d’entre vous sur terre unissent leurs voix pour demander quoique ce soit, je vous le dis en vérité, cela leur sera accordé par mon Père qui est dans les Cieux ».