LA REGLE DE VIE

 

" Maître, que dois-je faire de bon pour obtenir la Vie éternelle ? ", demande le jeune homme riche.

Le Christ lui répond : " Si tu veux entrer dans la Vie éternelle, observe les commandements ".

Le premier commandement a trait à l’amour de Dieu ; le second concerne l’amour du prochain et lui est semblable. Les autres commandements en découlent.

Quand on aime une personne, on cherche généralement à la fréquenter, la connaître, et lui manifester son amour.

Pour le Christ c’est la même chose. Si on cherche à l’aimer, il est normal de :

w Le fréquenter : par la prière, par la lecture méditée, par l’oraison, par l’usage des sacrements ;

w Le connaître : par l’étude, la formation, l’enseignement ;

w Lui manifester notre amour en nous mettant à son service et au service de nos frères.

On retrouve tout ces éléments dans la règle de vie de Domvs Christiani.

 

a. Pourquoi une règle de vie ?

 

Une règle de vie est un cadre qui permet d'ordonner sa vie pour que Dieu y soit "premier servi". Dans notre société moderne déréglée où les problèmes d'ordre matériel tendent parfois à nous submerger, une règle de vie n'est pas une contrainte mais un appui. Elle nous aide à réserver chaque jour, chaque semaine, chaque mois le minimum de temps nécessaire à l'essentiel. Elle nous incite, en outre, à persévérer et à rester fidèle les jours où l'accomplissement de nos devoirs chrétiens envers Dieu et envers nos frères nous paraît plus difficile. Cette règle ne propose rien d'autre que les pratiques habituelles et recommandées de la vie chrétienne adaptées à la famille.

Comprise ainsi, la règle de vie de Domvs Christiani constitue un véritable moyen de sanctification et d'épanouissement de nos familles. La pratique de la règle reste une affaire personnelle entre Dieu et nous, en liaison avec un directeur spirituel quand c’est possible. Le seul engagement c’est la volonté de se perfectionner en se fixant une règle de vie. La permanence de cet engagement est concrétisée par un commentaire mensuel, au cours de la réunion du groupe, d’un point de la règle.

L'expérience pratique d’une règle de vie prouve que, loin d'être perçue comme un carcan, c’est un moyen efficace de progrès, un peu comme les marches d'un escalier aident à monter. Mais la règle de vie ne doit pas être présentée sans être commentée (la Charte, notamment, doit être diffusée ou distribuée seulement après explication orale). Une règle de vie fait partie des choses qui se vivent davantage qu’elles ne s’expliquent. Alors "Venez et voyez".

 

b. La règle de vie dans la pratique

 

Nécessité d'une règle de vie

Sur le plan naturel, chacun d'entre nous s'impose une règle de vie. Ainsi pour remplir notre devoir familial ou professionnel, on s'astreint à des habitudes, on s'oblige au respect de plusieurs contraintes, on se fixe des objectifs. Il apparaît normal, par exemple, de se fixer une heure de réveil, de respecter ses rendez-vous, de se préoccuper du travail scolaire des enfants, etc... Même si on n'en est pas toujours conscient, on a tous une règle de vie.

Une règle de vie est un besoin, une nécessité ; c'est un moyen qui nous aide.

Sur le plan spirituel, nous avons plus de mal à nous contraindre. Pourquoi ? Parce que Dieu est loin, parce qu'il est plus facile d'obéir aux hommes ou de se conformer à des obligations concrètes aux effets mesurables, parce que notre nature s'oppose à la grâce.

Une règle de vie spirituelle est donc bien nécessaire compte tenu de l'importance de l'enjeu, la vie éternelle, et eu égard à notre faiblesse et notre inconstance.

 

Attirance ou réticence

Suivant les tempéraments, les habitudes ou l'expérience, il apparaît que le principe d'une règle de vie attire ou repousse.

Il va attirer ceux qui ont davantage besoin d'être tirés, ceux qui manquent de volonté, de profondeur ou de persévérance, ou simplement ceux qui n'ont pas eu la chance d'avoir reçu une éducation chrétienne structurée. Il va repousser ceux qui souffrent d'un tempérament trop scrupuleux, ceux qui sont naturellement attirés par la vie d'union à Dieu, ou peut-être aussi ceux qui n'éprouvent pas le besoin de modifier des habitudes de vie existantes.

La règle de vie n'est pas un règlement. C'est un moyen qui apparaît nécessaire mais dont l'application doit précisément être adaptée (avec l’aide, dans la mesure du possible, d’un directeur spirituel) aux différents tempéraments et aux différents états d'avancement dans la vie spirituelle.

A ce titre, une application trop scrupuleuse ou trop rigide de préceptes pourrait avoir un effet contraire au but recherché en s'opposant aux élans de la grâce ou bien en engendrant un sentiment d’autosatisfaction (pharisaïsme).

 

Nous ne sommes pas des moines

Remarque parfois faite. C'est bien entendu. Mais nous poursuivons le même but que les hommes ou les femmes à la vie formellement consacrée : la sanctification. Les moyens ne sont pas différents. Que dois-je faire pour suivre les commandements ?

Les moines font généralement pour cela trois vœux. Les laïcs mariés ne font que vœu de fidélité mais les moyens pour parvenir à la vie éternelle sont les mêmes. Le fait que les moines choisissent librement de se soumettre à une règle ne signifie pas que ce qui est bon pour les moines ne le sera pas pour les laïcs.

Une règle de vie est bonne et nécessaire pour tous les états de vie. Seules les modalités varient.

Mais pour tous il sera indispensable pour progresser de placer, à l'instar du sportif, la barre suffisamment haut.

 

c. Comment présenter la règle de vie

 

Aux nouveaux ou aux curieux

Une règle de vie est faite pour être vécue. Certains points sont familiers à beaucoup de chrétiens et sont devenus des habitudes de prière et de vie chrétienne. C'est une règle de vie implicite. On constate généralement que c'est dans la pratique que l'on comprend bien l'intérêt d'une règle. Ce ne sont pas les grandes explications qui sont aptes à convaincre ou à séduire mais l'expérience vécue.

Il n'y a pas en théorie de moments plus propices que d'autres pour présenter la règle de vie. Il faut adapter le lieu, le moment, le dosage à chaque cas particulier. Il vaut mieux cependant en parler avant la participation à une réunion, au cours d'un dîner par exemple.

Après avoir expliqué la finalité d'une règle de vie, insister sur le fait que la règle n'est qu'un moyen. Ne présenter son contenu qu'après avoir bien explicité le préambule.

Bien faire ressortir l'esprit de la règle. On pourra pour cela faire référence à la comparaison, utilisée par Saint Paul, des sportifs qui s'imposent sacrifices et rigueurs pour une couronne périssable. Pour eux et à fortiori pour nous qui espérons la couronne inaltérable du salut éternel, il est nécessaire de s’entraîner progressivement, d'adapter nos efforts aux conditions du moment, et d'avoir en permanence la volonté de se perfectionner.

 

Aux foyers du groupe

Les réunions mensuelles du groupe permettent, grâce au commentaire d'un point de la règle, de rappeler régulièrement son existence et de la présenter d'une façon concrète et " homéopathique ". Il faut recentrer en permanence nos efforts sur la règle.

Il est important aussi de rappeler que la règle crée un lien ecclésial entre les foyers Domvs Christiani. Elle a ainsi un effet de stimulation et d’entraînement. En dehors des réunions mensuelles c'est le ciment du groupe. C'est la sanctification des familles par les familles.

 

d. Commentaire d’un point de règle au cours de la réunion mensuelle

 

Utilité du commentaire en réunion

vAu cœur de " l’esprit Domvs " :

Par le commentaire on s’imprègne bien de " l’esprit Domvs ", sanctification et progrès personnel. Cela évite que la réunion et le groupe se limitent à une sympathique réunion mensuelle.

Il soude les foyers.

vCela rend la règle concrète:

Il y a différents niveaux de vie spirituelle parmi les foyers. Le commentaire est l’occasion de profiter des idées et des exemples présentés par les autres. Il peut aussi déboucher sur des conseils pratiques (adresses de lieux de messe, horaires de chapelet, confessions...).

Un " œil extérieur " nous aide à sortir de notre routine.

vUn approfondissement :

Le commentaire permet un approfondissement spirituel et apporte un stimulant.

Grâce au commentaire, les échanges sur le sujet sont plus abondants et plus riches.

Le commentaire mensuel est le moyen d’intégrer la règle dans la vie du groupe et des foyers.

Même après une longue pratique on a toujours des choses à découvrir ; le Seigneur choisit ses moments.

 

Comment se pratique ce commentaire ?

vLe commentaire est pédagogique :

Il est l’occasion de " mouiller " les "nouveaux" (plus facile pour un premier topo).

C’est une " piqûre de rappel " indispensable pour y arriver. Cela permet de redécouvrir autrement des " classiques " (prière en famille par exemple).

Il est important de partir d’un point et ensuite de progresser.

Le fait de s’attacher ensemble à un point de la règle le fait paraître plus léger (plus concret et plus simple), plus réalisable. Cela débouche sur l’amour de ces pratiques.

La règle est exigeante, le commentaire permet de hiérarchiser ces différents points.

vLe commentaire est missionnaire :

Cette " communication externe " du foyer (lors de la réunion Domvs) peut faciliter la " communication interne " du foyer dans la vie spirituelle. Par exemple : tel foyer qui aura du mal, souvent par respect humain individuel ou par habitude, à modifier les habitudes de prières, trouvera plus facilement, à l’issue de la réunion du groupe, l’occasion d’aborder le problème. " Pour l’oraison quotidienne, les untel font comme ça, qu’en penses-tu ? " ou bien " nous pourrions nous organiser mieux pour être plus réguliers dans la pratique du sacrement de pénitence ; pourquoi ne pas se fixer à l’avance un jour dans le mois... ".

 

Outil pratique : le commentaire de la règle, pourquoi, comment ?

vPourquoi faire un commentaire de la règle en réunion ?

Cela enracine le groupe dans " l’esprit Domvs " : la sanctification en famille et l’entraide entre familles.

C’est le moyen indispensable pour approfondir la règle, de manière concrète et pédagogique.

C’est une bonne formule pour lancer les nouveaux sur un topo.

vComment s’y prendre ?

Le commentaire peut être fait par le foyer qui fait le topo. Cela permet d’avoir, dans la mesure du possible, une continuité entre le topo et la règle, une incarnation du topo dans la règle de vie. Ainsi tout se tient : la formation, nécessaire à la vie chrétienne, peut s’incarner, se concrétiser dans des résolutions pratiques.

Le commentaire peut aussi être fait par un foyer différent de celui qui fait le topo. Cette formule permet de répartir les charges de travail. Il sera en particulier plus facile pour un nouveau foyer de préparer et d’exposer un commentaire d’un point de la règle plutôt que de démarrer directement sur un exposé complet. Les deux foyers devront alors travailler en liaison pour assurer cette continuité entre le topo et le commentaire.

Le commentaire est préparé avec le prêtre conseiller spirituel du groupe.

Il doit être court (10 mn), concret et pratique. Il peut être fait avant le topo s’il y a risque d’oubli.

 

e. Le point d’effort mensuel

 

En quoi cela consiste-t-il ?

C’est un point de la règle sur lequel on fera effort au cours du mois suivant. Ce point d’effort peut être pris en foyer et pratiqué à un rythme personnel. Un point d’effort commun à l’ensemble du groupe peut aussi être pratiqué. Cette pratique produit de nombreux fruits : elle favorise et approfondit la communion spirituelle des époux ; elle fortifie dans la Foi ; elle concrétise le souci commun de sanctification ; elle entretient un climat, une atmosphère et une habitude de vie chrétienne (les efforts deviennent naturels).

Elle consiste concrètement à choisir et adopter un point de la règle de vie pour le pratiquer et l'intégrer dans sa vie de foyer, puis en adopter un nouveau une fois que le précédent est acquis.

 

Caractéristiques

Il y a deux types de point d'effort : en foyer, en groupe.

vPoint d'effort en foyer : chaque foyer choisit individuellement son point d'effort avec le conseil d'un directeur spirituel si possible.

vPoint d'effort en groupe : Première manière : suivant l'ancienneté et la " maturité " d'un groupe, celui-ci peut décider, d'un commun accord, de choisir ensemble la même résolution, et de décider, toujours en groupe et d'un commun accord, de le poursuivre ou de passer à un autre point.

Deuxième manière : le point d'effort en groupe peut aussi être l'application du point de règle exposé en réunion, on en changera alors chaque mois et il ne peut donc s'agir que d'un " essai ", une découverte de cette pratique : on ne cherche pas forcément à l'intégrer dans sa vie (l'objectif n'étant pas, bien sûr, d'adopter 10 résolutions de septembre à juin !). Le point d'effort individuel garde, dans ce cas, sa priorité.

 

Ecueils à éviter

Domvs Christiani encourage fortement les échanges au bénéfice de tous, à l'occasion de l'exposé d'un point de la règle lors de chaque réunion. C'est une manifestation de la charité fraternelle qui nous unit. Concrètement, on peut exprimer la difficulté d’appliquer tel ou tel point de la règle, ce qui favorisera l’intervention des foyers qui n'ont pas les mêmes difficultés ou qui ayant plus d'expérience pourront proposer des " tuyaux " aux autres.

Cependant il faut veiller à éviter deux travers :

Un foyer éprouvant des difficultés à vivre un point de règle pourrait pousser trop loin son expression et tomber alors dans une sorte de " confession " qui est réservée au prêtre.

Dans le même ordre, lors de la décision de reconduite d'un effort de groupe, il faudra veiller à ce que la discussion ne se transforme pas en un tour de table dans lequel chacun serait tenu de rendre des comptes à la communauté sur l'état de sa progression spirituelle.

C'est le foyer responsable du groupe qui a la charge de susciter un échange bénéfique en veillant à éviter ces deux écueils.

 

Comment procéder ?

vChoisir le point d'effort :

Pour choisir un point parmi ceux proposés dans la règle de vie exposée dans la Charte de Domvs Christiani, il faut prendre en compte :

- que nous ne saurions bien choisir sans l'aide du Saint Esprit : il faut donc prier ;

- qu'il nous faut connaître le point faible de notre vie chrétienne : quelle est la pratique, parmi celles proposées, que nous ne vivons pas et qui nous parait prioritaire?

- qu'il nous faut donc, pour cela, de l'humilité (en foyer) ;

- qu'il y a une hiérarchie dans la liste exposée dans la règle (messe, confession, oraison, prière du foyer et prière en famille, etc.).

vChoisir un rythme :

Il s'agit de choisir le rythme de pratique du point de règle retenu : quotidien, hebdomadaire, mensuel, annuel... Pour cela le rythme indiqué dans la Charte est idéal.

vChoisir une durée avant de prendre une nouvelle résolution :

Il n'y a pas de recette miracle, cela dépend de chacun, de la résolution choisie, et de l'application que nous y mettons. Bien qu'il soit toujours bon de se fixer des objectifs motivants, fixer la durée d'un point d'effort à l'avance n'est pas indispensable. L'essentiel est que, lorsqu'une nouvelle résolution est adoptée, la précédente soit bien intégrée dans sa vie de foyer.

vConditions nécessaires :

Quelques qualités nécessaires pour bien pratiquer ce point d'effort :

- l'humilité pour connaître ses faiblesses,

- la persévérance pour maintenir l'effort,

- le soutien, l'émulation entre époux,

- l’entraide entre foyers.

 

f. Conclusion

 

" Le point d’effort mensuel " n’est en fait rien d’autre qu’une " bonne résolution ". Saint François de Sales souligne l’importance de la résolution pour la vie dévote : " Notre nature humaine déchoit aisément de ses bonnes affections, à cause de la fragilité et mauvaise inclination de notre chair, qui appesantit l’âme et la tire toujours contre bas, si elle ne s’élève souvent en haut à vive force de résolution : ainsi que les oiseaux retombent soudain en terre, s’ils ne multiplient les élancements et traits d’ailes pour se maintenir au vol. (...) O chères résolutions, vous êtes le bel arbre de vie que mon Dieu a planté de sa main au milieu de mon cœur, que mon Sauveur veut arroser de son sang pour le faire fructifier ; plutôt mille morts que de permettre qu’aucun vent vous arrache. (...) O belles et saintes résolutions, je vous conserve, vous me conserverez ; si vous vivez en mon âme, mon âme vivra en vous "; Introduction à la vie dévote, V, 1 et 15.

Le meilleur moyen de nous " rappeler à l’ordre " pour être fidèle à ce point d’effort, à cette résolution, c’est de mettre en pratique tous les jours un autre point de la règle de vie : " l’examen de conscience " dont le point d’effort peut faire partie.

 

Une règle de vie
par un moine bénédictin

 

"Se faire l'avocat de la Règle, ce sera demain la dernière forme de grandeur" Nietzsche.

 

PLAN 

I — Qu'est-ce qu'une Règle de vie ? ou distinguer pour les unir fin et moyens

II — De deux fois trois bonnes raisons d'adopter une Règle de vie

III — Quelques conseils pratiques pour profiter de la Règle de vie

Conclusion : Gustave THIBON : "l'équilibre dans l'altitude".

 

I — Qu'est-ce qu'une règle de vie ?

A — En général

1) Définition générique

a) étymologique: rego = guider, diriger, gouverner

b) réelle:

— Prescriptions de l'ordre de la pensée, qui s'imposent dans un cas donné, eu égard à la chose envisagée;

— ou mieux, prescriptions que la chose envisagée révèlent à la pensée de l'homme, en vue de guider son action vers le vrai et le bien, en bon ordre, sans erreur et facilement. On parlera ainsi des règles de l'art, de la science, de gouvernement.

 

Les grands artistes, les grands savants, les grands politiques sont des hommes de Règle. Ils ont compris que pour atteindre à la perfection de leur action, il leur fallait commencer par avoir un grand respect dans l'utilisation de l'objet matériel, intellectuel ou humain:. Apprendre de lui comment s'en servir pour l'amener à exprimer toute sa vérité, toute sa bonté et toute sa beauté.

Ensuite, forts de cette information, ils ont su patiemment forger des instruments capables d'atteindre leur but: pensez au fil à plomb du maçon, au ciseaux du sculpteur, aux axiomes du scientifique, aux divers ministères d'un gouvernant, aux préceptes d'un ordre religieux. Ces instruments sont des moyens; ils ne remplacent pas la fin et sont à son service; mais ils sont cependant nécessaires à l'acquisition de la fin.

 

2) Une règle de vie (sous entendu humaine) est un ensemble de préceptes et d'actions, qui entendent amener l'homme à mieux vivre.

a) Tout dépend donc au départ de la conception de la vie. Pour nous, chrétiens, il fait aucun doute qu'il s'agit de la vie éternelle , et que cela consiste à connaître et aimer Dieu et Celui qu'il a envoyé Jésus-Christ. Vie humaine, irriguée, irradiée par la grâce du Baptême, qui est la Trinité en nous et nous en Dieu. Voilà notre vocation.

b) Quant aux moyens, ils nous sont clairement dictés par l'Apôtre S. Jean: " A ceci nous savons que nous connaissons vraiment Dieu, si nous gardons ses commandements ". Les commandements se résument dans le double précepte de la charité: aimer Dieu de toute son âme, de tout son cœur et de toutes ses forces, et le prochain comme soi-même.

La Règle de vie chrétienne consiste donc à tendre de son mieux vers la charité, en s'imposant librement des actes vertueux envers Dieu et envers le prochain. Ce qui est fondamental et doit toujours demeurer, c'est de tendre vers la charité.

 

B — En particulier: la Règle de vie Domvs

1) Dans votre cas, il s'agit de prescriptions qu'un foyer s'imposent librement en vue d'atteindre à la perfection chrétienne de sa vie conjugale et familiale.

2) Plus précisément, il s'agit pour une foyer d'acquérir cette charité dans et par les biens du mariage: former une communauté de vie, en vue du bien des époux, de la génération et de l'éducation des enfants.

La Règle de vie Domvs est un ensemble de prescriptions ordonnant et facilitant l'acquisition et le don de l'amour de charité au sein la famille.

3) Si nous prenons la peine de relire cette Règle de vie, trois caractéristiques s'y révèlent:

a) l'usage harmonieux du temps, semence d'éternité:

— La Règle prend la famille toute entière et à tout instant, dans un rythme calqué sur la course des astres. Chaque jour, chaque semaine, chaque mois, chaque année, vous avez à poser des actes au service de la charité familiale. Ce rythme est irréversible et continu, et c'est précisément ce qui en fait l'image de l'éternité. " Dérythmer le temps — soit en l'étirant par l'oisiveté et l'ennui, soit en le bousculant par l'agitation et le surmenage — c'est pécher contre l'éternel dont il est l'image et le chemin. Et perdre son temps, c'est déjà perdre son âme. " (G. THIBON)

— Mais attention, ce rythme ne doit pas engendrer la monotonie, l'uniformité, parce qu'il est le rythme de la vie, et que celle-ci, bien que toujours recommençante, n'est jamais identique, mais semblable. Ce qui est monotone, c'est le prurit de la nouveauté à tout prix, ou le rabâchage, sans âme ni vie.

b) le respect de la personne toute entière:

— La Règle prend l'homme tout entier. Elle apprend à développer et à utiliser au mieux nos facultés spéculatives et affectives: vie de l'esprit, vie du cœur, éclairant et gouvernant la vie corporelle;

— La Règle s'adresse aux divers états de l'homme pour les amener à leur perfection:

* à la personne (l'oraison et le point d'effort)

* aux époux (prière et faire le point) et aux parents (la prière familiale et l'explication de la foi et de la liturgie),

* aux membres actifs de la société et de l'Église (formation doctrinale, la préparation liturgique dominicale, retraite, réunion mensuelle des foyers, ).

c) la discrétion, mère de toutes les vertus:

A l'image de la vie, la Règle est ferme dans ses principes et souple dans ses applications (la meilleure balance, mesdames, n'est-elle pas celle qui est la plus sensible aux différences de poids !). La Règle de vie Domvs ne perdra donc jamais de vue la différence des êtres et des circonstances. Tout doit être fait afin qu'en toutes choses Dieu soit glorifié. La Règle est au service de cette fin, et non l'inverse.

 

Ces trois caractéristiques font vraiment de la Règle proposée par Domvs une Règle de vie, un code d'éducation, de conduction vers une charité toujours plus grande et délicate entre les divers membres qui composent la famille.

 

II — Des bonnes raisons d'adopter une Règle de vie

 

Ici je m'inspire des propos d'un père de famille, n'appartenant pas à Domvs (ça existe), mais vivant profondément une règle de vie, qui a bien voulu apporter sa contribution à notre rassemblement. Il a intitulé son texte:

" Deux fois trois bonnes raisons d'adopter une règle de vie en famille. "

 

A — Au plan matériel et temporel

 

1) Vivre une Règle permet de lutter contre l'éparpillement (de chacun et de la famille), qui nous guette toujours, surtout aujourd'hui où triomphe le mythe de l'hyper-actif (boulimie d'activité pour combler un vide existentiel).

2) Paradoxalement, cela permet de dégager du temps, qui pourra alors, au lieu d'être gaspillé, servir à des activités édifiantes (au sens concret de construire un foyer).

3) Cela ménagera des espaces de liberté pour chacun, ce qui est toujours nécessaire dans une famille: de même qu'un coffre bien rangé contient plus d'objets, de même une famille réglée permet de trouver des espaces psychologiques et spirituels de respiration.

 

B — Au plan spirituel

 

1) Vivre une Règle ordonne la famille dans le même sens. La Règle n'est pas un but, seulement un moyen; mais en ce temps de familles et de personnalités éclatées, c'est peut-être déjà beaucoup d'avoir un moyen commun. Il faut régler le mouvement de l'ensemble pour permettre à chacun d'atteindre sa pleine stature humaine et spirituelle: la Règle nous facilite cette coordination.

2) Vivre une Règle virilise les caractères: chacun sait qu'une vie menée par les pulsions et la volonté propre n'est pas signe de caractère, mais de lâcheté. La Règle aide chacun à se soustraire à l'individualisme, donc à cultiver l'humilité, l'obéissance: pas d'angélisme, pas de facilisme, de spontanéité. Nous avons tous besoin d'ascèse dans nos vie. L'amour a besoin d'être purifié, le mariage a été élevé au rang de sacrement pour cela. Une Règle de vie est un rappel de cette nécessité ascétique.

3) Vivre une Règle libère l'esprit pour retrouver le sens de l'instant présent, le seul où l'on peut vraiment rencontrer Dieu, qui lui vit dans un éternel présent. L'homme est un être de projets (chimères ?) et de mémoire (regrets ?). Il a besoin d'une Règle pour ordonner sa vie de tous les jours (pas de surprises, pas de retours inutiles).

 

Comme disait un ancien, "Garde la Règle et la Règle te gardera !"

 

 III — Quelques conseils pratiques pour profiter de la Règle de vie

 

 A — Trois moyens à pratiquer

 

L'ascèse chrétienne repose sur la prière, le jeûne et l'aumône. S. Léon le Grand disait: " Par la prière on se rend agréable à Dieu, par le jeûne on éteint la concupiscence de la chair; par l'aumône on rachète ses péchés ". La Règle de vie Domvs vous propose de multiple manière d'exercer ces trois piliers:

1) Prier, occupation omniprésente dans un foyer Domvs. Deux points sensibles: — comment profiter de l'oraison ?

* accepter de "perdre" du temps. On peut s'aider d'une lecture, d'une prière; l'essentiel est d'être à la disposition de Dieu qui travaille dans notre âme;

* être régulier; vous découvrirez alors, jusque dans votre vie la plus pratique le bienfait du silence de l'âme unie à Dieu;

* ne pas s'effrayer des distractions, mais revenir doucement vers l'adorable Trinité, au moyen d'une pensée, d'un texte, etc.; une bonne méthode consiste à remplir ses pensées de la méditation de la vie du Christ.

la prière des époux: pourquoi ne pas la faire systématiquement lorsque la Providence vous ménage des moments d'intimité: je pense par exemple au moment où vous faites le point. Cela vous (ré)-habitue ensuite à ne plus pouvoir passer une journée sans prier ensemble.

2) Jeûner matériellement n'est pas possible à tout le monde (même dans un monastère ou un couvent), mais jeûner spirituellement, c'est-à-dire mortifier son amour propre, sa curiosité, ses aises, voilà qui incombe à tous. La Règle de vie Domvs comprend forcément cet aspect, ne serait-ce déjà par le simple fait d'y être fidèle. Impossible sans renoncement, sans sacrifice, sans don de soi. C'est quand vous commencez à sentir pesante cette Règle, quand l'ennui, la paresse et mille autres fausses raisons viennent assaillir votre esprit, que vous avez alors l'occasion de jeûner et de méditer la sentence de Mère Térésa Il ne nous est pas demander l'efficacité, mais la fidélité.

3) Faire l'aumône, sans parler d'une aide matérielle, plus ou moins possible, ne serait-ce que de son temps, à Dieu et aux autres, par une attention, une bonne parole, une prière, etc. faire aumône de son amour.

 

B — Trois écueils à éviter

 

1)Vouloir trop en faire.

Il ne s'agit pas de quantité, mais de charité: la Règle de vie facilité l'accomplissement de notre devoir d'état, elle ne se substitue en aucune manière à ce dernier; au contraire elle vient comme une rosée bienfaisante et surnaturelle irriguer l'ordinaire.

Prenons deux exemples

la résolution, le point d'effort doivent être pratiques et praticables. Se donner pour but d'atteindre líEverest alors qu'on s'essouffle en montant les escaliers de sa maison, c'est du rêve à quatre sous; une résolution pratique et praticable touchera la vie dans ce qu'elle a de plus ordinaire: " Monseigneur, je sens en moi de grands désirs de perfectionMa fille, commencez par fermer les portes doucement ! " Une résolution doit être aussi limitée dans le temps, pour stimuler et ne pas rester dans le vague.

la prière en famille: le mieux est souvent l'ennemi du bien. Vouloir que toute la famille participe d'une manière identique à cette prière, c'est vouloir trop en faire et surtout trop exiger des autres. L'essentiel est que la famille soit réunie; chaque âge participe à la prière, les bébés en étant tout simplement là, ceux qui peuvent allumer un cierge, embrasser une image, etc., en accomplissant ces gestes (même s'ils restent assis sur le tapis ou "s'amusent" avec l'image ou le chapelet), ceux enfin qui peuvent prier, en appliquant des intentions particulières.

 

La Règle de vie est un appel à marcher de l'avant, un pas après l'autre, en partant de ce qui est possible aujourd'hui pour tendre vers ce qui est le meilleur.

 

2) Le manque de sens pratique:

Vous vous rappelez sans doute la scène mémorable du Bourgeois Gentilhomme où M. Jourdain apprend à faire la révérence, c'est-à-dire s'initie aux Règles de bienséances en usage à la cour. L'étiquette demandait trois moulinets avec le chapeau à plumes. Arrive un marquis… Notre Bourgeois se précipite vers lui et s'évertue à la politesse en tentant de réaliser les trois moulinets de règles. Résultat calamiteux et grotesque: Monsieur Jourdain pousse le marquis pour aller jusqu'au bout des trois moulinets et croyant l'honorer, l'offense. Il n'avait pas le sens pratique. Il s'est compliqué la tâche: un seul moulinet de chapeau suffisait… La Règle de vie épouse les contours du devoir d'état, donc s'adapte aux circonstances de temps et de lieu.

 

Exemples: la Règle vous recommande l'assistance à la messe en semaine. Mais elle ne peut obliger pour cela à déserter le foyer, le matin ou le soir, au moment où les enfants ont le plus besoin de leurs parents, ni bien entendu à accomplir des distances déraisonnables: pourquoi alors ne pas s'unir de cœur avec toutes les messes dites de par le monde, lire la messe du jour et pratiquer la communion spirituelle ?

Une mère de famille au chevet de son enfant ou de son époux malade remplit parfaitement sa Règle de vie qui est le plein exercice de la charité, alors même qu'elle n'a pas le temps de faire oraison ou de se plonger dans un livre de spiritualité. Elle fait mieux car elle soigne le Christ en personne.

Le sens pratique, c'est aussi savoir compter avec l'usure du temps, donc s'ingénier à rafraîchir les actes de la Règle, c'est-à-dire à préparer ces moments, à les vivre: de l'oraison à la réunion mensuelle en passant par le point d'effort et la prière en famille. Il en est de la Règle comme de la Croix, elles sont faites toutes les deux pour être portées, non pour être traînées .

 

3) Le volontarisme: pratiquer une Règle de vie, en retirer des bienfaits, ne sort pas de la force des poignets. Nous en faisons tous les jours l'expérience: le bien que nous voulons, nous ne le faisons pas et le mal que nous ne voulons pas, nous le faisons.

Certes, il faut se mettre à l'ouvrage, mais en se mettant sous le souffle de la grâce sanctifiante, principalement par une vie sacramentelle forte et régulière, les yeux tournés vers Notre Seigneur Jésus-Christ, notre modèle et notre Maître.

 

Conclusion :

 

" L'équilibre dans l'altitude. Plus le but de l'ascension est élevé, plus doit être vigilante l'attention aux lois de la pesanteur. Le danger de la chute est autrement grave pour l'alpiniste que pour le voyageur en plaine. Les minuties de la Règle assurent cet équilibre, faute duquel on s'expose à tomber aux premières marches — ou à ne monter qu'en rêve. (…) Le terme du voyage est dans le ciel: le chemin est sur la terre et l'homme y monte de tout son poids. La Règle trace, consolide et balise la voie étroite qui conduit à la Patrie sans frontières. Elle ne supprime pas la pesanteur: elle en prévient les effets négatifs en l'enchaînant à l'attraction de l'impondérable divin. "

Gustave THIBON