Les
encycliques sociales
(déclinaison du point de la règle : chaque semaine un temps d'étude doctrinale ou de lecture spirituelle)
C'est un point de la règle que j'aime bien
commenter, peut-être parce que c'est surement le moins contraignant, une heure
par semaine ! pas énorme ! on
peut même fractionner cette heure en 10 minutes par jour et se reposer le
dimanche !
Le problème, c'est de choisir une lecture et de s'y
tenir plutôt que de papillonner. J'ai donc choisi de vous parler des
encycliques sociales, étant entendu qu'il ne s'agit pas pour moi de vous les
résumer mais au contraire de vous en dire suffisamment peu pour vous mettre en
appétit et vous inciter à les lire.
Pourquoi ce choix ? par
référence à l'actualité, Benoît XVI vient de sortir Caritas in Veritate les médias en ont parlé pendant quelques jours
et puis terminé au profit de
Qu'appelle-t-on encyclique sociale ? En fait si on
regarde de près il y a du social dans tous les textes du magistère, et dans les
encycliques dites sociales il y a pas que du social.
Cependant depuis Rerum Novarum, nous avons bénéficié d'une série particulière
d'encycliques dont le titre aussi bien que la rédaction trahissaient
les préoccupations du Saint-Siège face à la dérive des questions sociales.
L'ensemble de ces encycliques forme le DSE.
Ce qui frappe quand on lit ces encycliques, c'est
d'abord leur unité. A l'exception de Rerum Novarum qui est la première, toutes
les autres commencent par un résumé ou un commentaire de la précédente et se
situent explicitement dans
« Il n'y a pas
deux typologies différentes de doctrine sociale, l'une préconciliaire et
l'autre post-conciliaire, mais un unique
enseignement, cohérent et en même temps toujours nouveau. Il est juste de
remarquer les caractéristiques propres à chaque encyclique, à l'enseignement
de chaque Pontife, mais sans jamais perdre de vue la cohérence de
l'ensemble du corpus doctrinal. {...} La doctrine sociale de l'Église
éclaire d'une lumière qui ne change pas les problèmes toujours nouveaux qui
surgissent» nous dit Benoît XVI.
Quelques
mots maintenant sur les plus importantes (ou plutôt celles que j'ai choisies)
de ces encycliques.
Rerum
Novarum.
Du pape Léon XIII, parue en 1891. Comme pour tout texte du magistère il faut,
nous l'avons déjà dit, se replacer dans le contexte de l'époque: l'essor
industriel du XIXème siècle, l'apparition d'une catégorie sociale, les
ouvriers, qui remplace progressivement les salariés agricoles et les artisans,
la naissance du socialisme dans la foulée des idées révolutionnaires du siècle
précédent et simultanément l'apothéose du libéralisme. Pour la France cette
encyclique aurait pu ironiquement s'appeler Centesimus
Annus car elle venait juste cent ans après la très
funeste loi Le Chapelier interdisant toute forme d'association.
Citons
quelques idées force :
·
Le droit à la propriété, y compris la propriété des moyens de
production, mais sous réserve que la destination de ces biens soit en
conformité avec le bien commun.
·
Les inégalités sociales sont non seulement inévitables mais nécessaires
au bon fonctionnement de la société.
·
Chaque ouvrier a droit à un juste salaire, c'est-à-dire un salaire qui
lui permette de faire vivre décemment toute sa famille.
·
Les ouvriers et les patrons chrétiens ont le droit et le devoir de
s'associer (soit séparément soit ensemble par corporation) pour régler leurs
différents.
·
La condamnation très ferme et sans équivoque des idéologies :
libéralisme, socialisme, capitalisme, laïcisme etc…
·
Il faut améliorer les conditions matérielles des familles d'ouvriers
mais sans oublier leur formation spirituelle.
·
Le rôle essentiel de l'Etat pour réguler, sans interventionnisme, le
fonctionnement de la société.
Conclusion:
pardon Benoît XVI, mais si vous ne deviez lire qu'une encyclique, c'est
celle-là qu'il faut choisir, parce que tout y est déjà.
Quadragésimo anno. Du pape Pie XI. En 1931
comme son titre l'indique. Il a bien fallu 40 ans pour digérer la précédente !
Le contexte, c'est l'entre deux guerre et la terrible crise économique de 1929
qui n'est pas encore résorbée, Mussolini au pouvoir en Italie, les communistes
en Russie. Le danger national-socialiste n'est pas encore évident,
Pie XI s'en occupera plus tard la
même semaine que du communisme.
Que
dit Pie XI ?
·
Il constate que Rerum Novarum n'a pas porté tous les fruits espérés.
·
Qu'il a bien des syndicats ouvriers chrétiens mais que les patrons chrétiens
sont plutôt défaillants.
·
Il rappelle que le droit de propriété ne se confond pas avec son
usage.
·
Il s'inquiète des tentatives d'embrigadement de la jeunesse qui
contreviennent à l'autorité parentale dans les pays totalitaires.
·
Et surtout il nous donne un énoncé limpide du principe de
subsidiarité qui n'est pas une invention de l'Eglise, encore moins du pape
Pie XI mais un principe universel issu du droit naturel.
Popularum Progressio du pape Paul VI en 1967.
Nous sommes en pleine décolonisation et certains commencent à pressentir, mais
sans le dire, que le remède est peut-être pire que le mal.
La
nouveauté de cette encyclique réside dans la prise en compte, au delà des
couches sociales internes à un Etat, des rapports entre les nations, nations
"riches" ou nations en voie de développement et donc d'un appel à la
solidarité entre les nations.
Cette
encyclique trouvera son prolongement 20 ans plus tard dans Sollicitudo rei socialis de Jean-Paul II.
Je
me contente de citer, avant de conclure, Mater et Magistra de Jean XXIII, Centesimus Annus de Jean-Paul II et
j'en viens à Caritas in Veritate, tout est dans le titre,
c'est bien l'œuvre d'un théologien, je vous lit une
citation tirée des premières pages et qui me servira de conclusion :
Dépourvu de vérité, l'amour bascule dans le
sentimentalisme. L'amour devient une coque vide susceptible d'être arbitrairement
remplie. C'est le risque mortifère qu'affronte l'amour dans une culture sans
vérité. Il est la proie des émotions et de l'opinion contingente des êtres
humains; il devient un terme galvaudé et déformé, jusqu'à signifier son
contraire. La vérité libère l'amour des étroitesses de l'émotivité qui le prive
de contenus relationnels et sociaux, et d'un fidéisme qui le prive d'un souffle
humain et universel. Dans la vérité, l'amour reflète en même temps la dimension
personnelle et publique de la foi au Dieu biblique qui est à la fois « Agapè » et « Logos»: Charité et Vérité,
Amour et Parole.
Conformément à mon introduction,
je ne vous en dirai pas plus, il faut lire Caritas in Veritate.