Les encycliques sociales

(déclinaison du point de la règle : chaque semaine un temps d'étude doctrinale ou de lecture spirituelle)

 

 

C'est un point de la règle que j'aime bien commenter, peut-être parce que c'est surement le moins contraignant, une heure par semaine ! pas énorme ! on peut même fractionner cette heure en 10 minutes par jour et se reposer le dimanche !

Le problème, c'est de choisir une lecture et de s'y tenir plutôt que de papillonner. J'ai donc choisi de vous parler des encycliques sociales, étant entendu qu'il ne s'agit pas pour moi de vous les résumer mais au contraire de vous en dire suffisamment peu pour vous mettre en appétit  et vous inciter à les lire.

 

Pourquoi ce choix ? par référence à l'actualité, Benoît XVI vient de sortir Caritas in Veritate les médias en ont parlé pendant quelques jours et puis terminé au profit de la grippe H1N1, du réchauffement climatique, et de Johnny que nous risquons de perdre après Mikael Jackson.  

 

Qu'appelle-t-on encyclique sociale ? En fait si on regarde de près il y a du social dans tous les textes du magistère, et dans les encycliques dites sociales il y a pas que du social. Cependant depuis Rerum Novarum, nous avons bénéficié d'une série particulière d'encycliques dont le titre aussi bien que la rédaction trahissaient les préoccupations du Saint-Siège face à la dérive des questions sociales. L'ensemble de ces encycliques forme le DSE.

 

Ce qui frappe quand on lit ces encycliques, c'est d'abord leur unité. A l'exception de Rerum Novarum qui est la première, toutes les autres commencent par un résumé ou un commentaire de la précédente et se situent explicitement dans la continuité. De même on peut dire qu'à part toujours Rerum Novarum, il n'y a pas d'idées nouvelles dans ces encycliques mais plutôt un éclairage particulier sur certains points déjà abordés ou simplement effleurés en fonction de la conjoncture internationale ou de la personnalité de l'auteur. L'Eglise est une, dans l'espace mais aussi dans le temps.

 

« Il n'y a pas deux typologies différentes de doctrine sociale, l'une préconciliaire et l'autre post-conciliaire, mais un unique enseignement, cohérent et en même temps toujours nouveau. Il est juste de remarquer les caractéristiques propres à chaque encyclique, à l'enseignement de chaque Pontife, mais sans jamais perdre de vue la cohérence de l'ensemble du corpus doctrinal. {...} La doctrine sociale de l'Église éclaire d'une lumière qui ne change pas les problèmes toujours nouveaux qui surgissent» nous dit Benoît XVI.

 

Quelques mots maintenant sur les plus importantes (ou plutôt celles que j'ai choisies) de ces encycliques.

 

Rerum Novarum. Du pape Léon XIII, parue en 1891. Comme pour tout texte du magistère il faut, nous l'avons déjà dit, se replacer dans le contexte de l'époque: l'essor industriel du XIXème siècle, l'apparition d'une catégorie sociale, les ouvriers, qui remplace progressivement les salariés agricoles et les artisans, la naissance du socialisme dans la foulée des idées révolutionnaires du siècle précédent et simultanément l'apothéose du libéralisme. Pour la France cette encyclique aurait pu ironiquement s'appeler Centesimus Annus car elle venait juste cent ans après la très funeste loi Le Chapelier interdisant toute forme d'association.

Citons quelques idées force :

·         Le droit à la propriété, y compris la propriété des moyens de production, mais sous réserve que la destination de ces biens soit en conformité avec le bien commun.

·         Les inégalités sociales sont non seulement inévitables mais nécessaires au bon fonctionnement de la société.

·         Chaque ouvrier a droit à un juste salaire, c'est-à-dire un salaire qui lui permette de faire vivre décemment toute sa famille.

·         Les ouvriers et les patrons chrétiens ont le droit et le devoir de s'associer (soit séparément soit ensemble par corporation) pour régler leurs différents.

·         La condamnation très ferme et sans équivoque des idéologies : libéralisme, socialisme, capitalisme, laïcisme etc…

·         Il faut améliorer les conditions matérielles des familles d'ouvriers mais sans oublier leur formation spirituelle.

·         Le rôle essentiel de l'Etat pour réguler, sans interventionnisme, le fonctionnement de la société.

 

Conclusion: pardon Benoît XVI, mais si vous ne deviez lire qu'une encyclique, c'est celle-là qu'il faut choisir, parce que tout y est déjà.

 

Quadragésimo anno. Du pape Pie XI. En 1931 comme son titre l'indique. Il a bien fallu 40 ans pour digérer la précédente ! Le contexte, c'est l'entre deux guerre et la terrible crise économique de 1929 qui n'est pas encore résorbée, Mussolini au pouvoir en Italie, les communistes en Russie. Le danger national-socialiste n'est pas encore évident, Pie XI  s'en occupera plus tard la même semaine que du communisme.

Que dit Pie XI ?

·         Il constate que Rerum Novarum n'a pas porté tous les fruits espérés.

·         Qu'il a bien des syndicats ouvriers chrétiens mais que les patrons chrétiens sont plutôt défaillants.

·         Il rappelle que le droit de propriété ne se confond pas avec son usage.

·         Il s'inquiète des tentatives d'embrigadement de la jeunesse qui contreviennent à l'autorité parentale dans les pays totalitaires.

·         Et surtout il nous donne un énoncé limpide du principe de subsidiarité qui n'est pas une invention de l'Eglise, encore moins du pape Pie XI mais un principe universel issu du droit naturel.

 

Popularum Progressio  du pape Paul VI en 1967. Nous sommes en pleine décolonisation et certains commencent à pressentir, mais sans le dire, que le remède est peut-être pire que le mal.

La nouveauté de cette encyclique réside dans la prise en compte, au delà des couches sociales internes à un Etat, des rapports entre les nations, nations "riches" ou nations en voie de développement et donc d'un appel à la solidarité entre les nations.

Cette encyclique trouvera son prolongement 20 ans plus tard dans Sollicitudo rei socialis de Jean-Paul II.

 

Je me contente de citer, avant de conclure, Mater et Magistra de Jean XXIII, Centesimus Annus de Jean-Paul II et j'en viens à Caritas in Veritate, tout est dans le titre, c'est bien l'œuvre d'un théologien, je vous lit une citation tirée des premières pages et qui me servira de conclusion :

Dépourvu de vérité, l'amour bascule dans le sentimentalisme. L'amour devient une coque vide susceptible d'être arbitrairement remplie. C'est le risque mortifère qu'affronte l'amour dans une culture sans vérité. Il est la proie des émotions et de l'opinion contingente des êtres humains; il devient un terme galvaudé et déformé, jusqu'à signifier son contraire. La vérité libère l'amour des étroitesses de l'émotivité qui le prive de contenus relationnels et sociaux, et d'un fidéisme qui le prive d'un souffle humain et universel. Dans la vérité, l'amour reflète en même temps la dimension personnelle et publique de la foi au Dieu biblique qui est à la fois « Agapè » et « Logos»: Charité et Vérité, Amour et Parole.

 

Conformément à mon introduction, je ne vous en dirai pas plus, il faut lire Caritas in Veritate.

 

AB 15/12/2009